LES LANGUES DE MAYOTTE DANS LE CONTEXTE REGIONAL
INTERVENTION DE L’ASSOCIATION BAGAMOYO
AU COLLOQUE INTER CCEE
LE 24 NOVEMBRE 2007 A MAYOTTE
PAR LUCY NJERI BRANDON
1) Introduction :
L’Association Bagamoyo a pour objectif la promotion de la langue et culture swahili à Mayotte . Elle a été fondée en 2006 pour répondre à l’intérêt exprimé par de nombreux mahorais qui souhaitent voir cette langue retrouver sa place autrefois prestigieuse à Mayotte. Les membres de cette association souhaitent également fournir un travail complémentaire aux travaux en cours sur le développement des langues locales de l’île.
L’objectif de notre intervention est de situer les langues mahoraises dans leur contexte régional. A l’heure où nous nous préparons à la mise à l’écrit et à l’éventuelle introduction de ces langues dans le système éducatif, il convient de rappeler que ce ne sont pas des langues isolées et que des expériences et situations similaires ont déjà été vécues par des pays de la région. Il nous semble important de comprendre d’où nous venons afin de pouvoir prendre des décisions responsables pour l’avenir.
2) Quelles sont les langues parlées à Mayotte ?
On distingue deux groupes de langues :
Les parlers comoriens bantous :
· shimaore
· shimaore-shindzuani, (shimaore influencé par l’anjouanais)
· shimaore shingazidja, (shimaore influencé par le grand comorien)
Les parlers malgaches :
· kibushi-kimaore, (proche du sakalava de Madagascar)
· kiantalaotsi.
La carte ci-dessous illustre la répartition de ces langues dans l’île :
INTERVENTION DE L’ASSOCIATION BAGAMOYO
AU COLLOQUE INTER CCEE
LE 24 NOVEMBRE 2007 A MAYOTTE
PAR LUCY NJERI BRANDON
1) Introduction :
L’Association Bagamoyo a pour objectif la promotion de la langue et culture swahili à Mayotte . Elle a été fondée en 2006 pour répondre à l’intérêt exprimé par de nombreux mahorais qui souhaitent voir cette langue retrouver sa place autrefois prestigieuse à Mayotte. Les membres de cette association souhaitent également fournir un travail complémentaire aux travaux en cours sur le développement des langues locales de l’île.
L’objectif de notre intervention est de situer les langues mahoraises dans leur contexte régional. A l’heure où nous nous préparons à la mise à l’écrit et à l’éventuelle introduction de ces langues dans le système éducatif, il convient de rappeler que ce ne sont pas des langues isolées et que des expériences et situations similaires ont déjà été vécues par des pays de la région. Il nous semble important de comprendre d’où nous venons afin de pouvoir prendre des décisions responsables pour l’avenir.
2) Quelles sont les langues parlées à Mayotte ?
On distingue deux groupes de langues :
Les parlers comoriens bantous :
· shimaore
· shimaore-shindzuani, (shimaore influencé par l’anjouanais)
· shimaore shingazidja, (shimaore influencé par le grand comorien)
Les parlers malgaches :
· kibushi-kimaore, (proche du sakalava de Madagascar)
· kiantalaotsi.
La carte ci-dessous illustre la répartition de ces langues dans l’île :
3) Origines de la population mahoraise:
Des noms de villages mahorais d’origines différentes prouvent la diversité du peuplement.
Exemples de localités de Mayotte dans différentes langues :
MGOMBANI : swahili (lieu où se trouvent les bananiers)
KOROPA : makhuwa (escargot)
TSARARANO : malgache (la bonne eau)
L’origine de cette diversité linguistique s’explique par les migrations dont le résultat est aujourd’hui appelé le peuple comorien. D’après les chercheurs, les îles Comores sont habitées au moins depuis le 8e siècle. D’où sont venues ces populations ?
Les Bantous venus d’Afrique Orientale :
Les origines du peuple « bantu » seraient dans la région de Grassfields dans la forêt équatoriale du Cameroun (T. OBENGA). Les bantous ont migré au cours du 1ier millénaire après J.C. vers l’est et le sud de l’Afrique.
Carte 2 : d’après INTERNET
Les historiens (NURSE et SPEAR) pensent que des peuples bantous sont partis du nord de la côte Kenyane entre les rives des fleuves Tana et Sabaki vers le 10e siècle et ont migré vers les îles de l’Océan Indien. On a donné le nom de Sabaki au groupe de langues parlées par ces populations (dont les comoriens). Toutes les traditions orales des populations de la côte est-africaine parlent d’un lieu « Shungwaya » comme leur patrie d’origine. Ce lieu prospère serait situé au sud de ce qui est la Somalie aujourd’hui.
D’autres peuples « bantu » sont venus de la Tanzanie et du Mozambique, notamment les Makhuwa, surtout à l’époque du développement de l’esclavage et des usines sucrières.
Les Indonésiens venus de Bornéo en Asie :
Ils se sont surtout installés à Madagascar ; ils ont apporté le riz, la pirogue à balancier et ont développé la langue malgache.
Plus tard surtout au cours du 18ème siècle, d’importantes migrations malgaches ont eu lieu de la côte nord-ouest de Madagascar vers Mayotte pour former de nombreux villages.
Les Arabes venus du Yémen, d’Oman et du Golfe persique :
En se métissant avec les Bantous ils ont formé le peuple et la culture swahili.
Ils ont construit des cités sur la côte est-africaine, développé le commerce entre l’Afrique et l’Arabie et provoqué des mouvements de population par le trafic des esclaves.
Les Indiens :
Ils se sont souvent installés à Madagascar avant de venir à Mayotte et ont développé le commerce dans la région, surtout au cours du 20ème siècle.
Les Européens (Portugais, puis Anglais et Français).
4) Classification des langues de Mayotte :
Kibushi :
Le kibushi est une langue austronésienne de la famille des « parlers occidentaux » de la côte nord-ouest malgache. La langue austronésienne la plus ap parentée au malgache est le Ma’anyan parlé au sud de Bornéo, avec plus de 50% de vocabulaire commun. . La langue malgache (de structure asiatique) reflète les héritages indonésiens et africains du peuple malgache, avec influence du swahili dans les langues de la côte ouest.
Kibushi
Malgache
Sous-groupe Barito
Langues malayo-polynésiennes
Langues austronésienne
Shimaoré :
Le shimaoré est une langue bantu du sous groupe sabaki.
Shimaore
Langues comoriennes
Sous groupe Sabaki
Langues Bantu
Bénué Congo
Niger Congo
Niger Kordofanien
Le swahili par rapport au shimaoré :
Le swahili est la langue maternelle des habitants de la côte et des îles du Kenya et de la Tanzanie. Cette langue s’est développée comme langue véhiculaire à l’ouest jusqu’en République Démocratique du Congo :
Mayotte
Carte 3 : d’après INTERNET (UCLA International Institute,Language Materials Project)
Zone d’expansion de la langue swahili
La langue swahili contient des variations dialectales suivant la région : (kiunguja, kimvita, kiamu, kimrima…).
Les langues comoriennes ont été longtemps classées dans les parlers swahilis, mais aujourd’hui, les linguistes les classent plutôt dans un groupe de langues distinctes mais appartenant comme le swahili au groupe « sabaki ».
Le shimaoré n’est donc pas du swahili ; ce sont deux langues sœurs, mais il n’y a pas d’intercompréhension immédiate.
Les deux langues se seraient différenciées dès le 11-12e siècles, mais les contacts ont continués jusqu’à la colonisation.
5) Caractéristiques des langues bantoues :
Le terme « bantu » est une création des linguistes défini à partir du suffixe
«-ntu » que l’on trouve (avec des variantes) dans les mots pour « êtres humains » dans presque toutes les langues bantu. Exemples (sing./pluriel): mtu/watu en swahili; mutru/watru en shimaore; mundru/wandru en shingazidja, ; mûntu/bântu en kikongo, mũndũ/andũ en kikuyu (Kenya); munhu/vanhu en sukuma (Tanzanie), mundu/bandu en yao (Mozambique)…
· Répartition des noms en classes nominales, ce qui constitue la base de la grammaire des langues bantoues. Des préfixes déterminent chaque classe.
Exemples de classes nominales en shimaoré:
mu/wa ; mu/mi ; Ø/ma ; shi/zi…(sing./pluriel).
mutru/watru : un homme des hommes.
munadzi/minadzi : un cocotier, des cocotiers.
gari/magari : une voiture, des voitures.
shiri/ziri : une chaise, des chaises
nguo/nguo : un vêtement, des vêtements.
· Présence de verbes dérivationnels. Un suffixe modifie le sens d’un verbe.
Exemple en shimaoré : uangiha (écrire)
uangihwa (être écrit)
uangishia (écrire pour)
uangishiana (s’écrire l’un à l’autre)
· lexique commun dont la prononciation s’est diversifié avec le temps :
shimaore
kiswahili
makhuwa
français
Mungu
Mungu
Muluku
Dieu
Mutru,watru
Mtu,watu
Mutthu,atthu
Être(s)
Humain(s)
Nyombe
Ng’ombe
Eng’ope
Vache
Uvendza
Moro
Kupenda
Moto
Ozivela
Moro
Aimer
Feu
Exemple entre le swahili et le shimaoré :
Transformations : « k » à « h »
« k » à « sh »
« t » à « r »
« p » à « v »
« ch » à « ts »
shimaore
kiswahili
français
Kuhu
Kuku
Poule
Nyoha
Nyoka
Serpent
Nyoshi
Nyuki
Abeille
Shizungu
Kizungu
Français/ anglais
Mare
Mate
Salive
Trihiri
Tikiti
Pastèque
Uveleha
Kupeleka
Envoyer
Vole vole
Pole pole
Lentement
Mutsanga
Mchanga
Sable
· langues agglutinantes: Pour faire des phrases, il y a une racine (verbale) sur laquelle vient se greffer des préfixes, infixes et suffixes pour les marques du temps, les compléments d’objet etc.
Exemple en swahili :
« Nitampelekea barua » (Je lui enverrai une lettre)
« Ni » : je
« ta » : marque du futur
« m » : lui
« pelekea » : envoyer à quelqu’un
« peleka » : racine verbale (envoyer)
· grand nombre de consonnes pré-nasalisées : mb, mp, mv, nd,nt, ng etc
Exemples : « Mbu » (moustique en shimaoré et swahili)
« Mvua » (pluie en swahili)
« Ngombe » (vache en kongo)
6) Les langues européennes de la région :
Suivant le colonisateur, les pays africains et de l’océan indien ont adopté l’anglais, l’espagnol, le français ou le portugais comme langue officielle, nationale et d’enseignement. En Afrique du sud les populations « Boers » à l’origine néerlandophones ont développé une nouvelle langue : l’afrikaans.
Carte 4: d’après INTERNET
Langues officielles :
Anglais Français
Espagnol Portugais
7) Les langues de la région Océan Indien, leur statut et leur enseignement:
Comores et Mayotte : sont restées linguistiquement et culturellement proche de la côte est-africaine. On y trouve 4 parlers bantous que l’on peut répartir en deux groupes: shimaore/shindzuani ; shingazidja/shimwali
Le français est la langue de l’administration et l’arabe, langue de la religion. Aujourd’hui, aucune langue comorienne n’est enseignée à l’école.
Madagascar : le français et le malgache sont les 2 langues officielles. Après la malgachisation des années 70 le malgache est devenu prépondérant dans l’administration et l’enseignement. La malgachisation, de l'enseignement, a été l'objectif privilégié du régime à partir de 1972. Le français a vu son rôle considérablement réduit dans la nouvelle école. Mais on a assez vite pris conscience des inconvénients d'un rejet radical, prôné par certains. À partir de 1985, l'enseignement du français a été vigoureusement relancé. Actuellement la variété officielle du malgache est la langue d'enseignement en 1ère et 2ème année (CP1 et CP2). Le français est introduit comme langue seconde dès la deuxième année du primaire et, par la suite, jusqu'au second cycle du secondaire où il devient une langue d'enseignement, alors que le malgache reste une matière d'enseignement.
Réunion, Seychelles et Maurice : ces îles ont été peuplées tardivement par des européens et des africains ; on y parle donc des créoles basés sur le français et quelques mots d’anglais pour le cas de l’île Maurice et les Seychelles.
Réunion :
Le français est la langue officielle à la Réunion. A l’école le créole est permis à la maternelle. Puis la langue d’enseignement est uniquement le français. Cependant depuis novembre 2000, le créole réunionnais a acquis officiellement le statut de langue régionale. C'est à ce titre que son enseignement est désormais proposé en option dans les établissements scolaires de l'île, comme il en est fait des langues régionales dans les établissements scolaires de la métropole.
Maurice :
L’anglais est la langue officielle du parlement à Maurice. Dans l’enseignement primaire, toutes les langues sont autorisées, mais dans la pratique tout le premier cycle du primaire ne se fait qu’en créole et en français. Par contre, au secondaire, l’anglais devient une langue d’enseignement courante, statut qu’il partage avec le français et le créole. Ainsi, à la fin de ses études secondaires, l’élève mauricien est généralement trilingue.
Seychelles :
Le créole a un statut de langue officielle aux Seychelles comme le français et l’anglais. Le gouvernement seychellois s'est engagé dans une politique volontariste de promotion du créole, en décidant, en 1981, d'en faire la première langue nationale des Seychelles, l’anglais la deuxième, le français, la troisième. La réforme de l'enseignement a institué l'alphabétisation en créole et lui donne statut de langue d'enseignement. Aujourd’hui, le créole seychellois est la seule langue employée et enseignée à la maternelle ainsi que durant les quatre premières années du primaire. C’est la langue d’enseignement dans toutes les matières. À partir de la cinquième année, l’anglais langue seconde prend progressivement la place du créole (qui demeure une langue d’enseignement dans certaines matières), pour devenir la langue d’enseignement au secondaire. Autrement dit, dès que l’élève a appris à lire et à écrire en créole, il passe à l’anglais. Le français est obligatoirement la troisième langue enseignée et son étude est introduite au primaire dès que l'anglais est suffisamment maîtrisé, soit dès le second cycle et durant tout le secondaire. Le créole correspond à 34 % du temps d'enseignement des langues, contre 42 % pour l'anglais et 23 % pour le français. La publication de poèmes et d'essais littéraires en créole a été encouragée. Par le fait même, c’est le français qui a bénéficié de l’augmentation du taux de lecture chez les jeunes Seychellois.
Kenya : il y a plus de 40 langues, bantoues et non bantoues. Le swahili, langue maternelle de la côte, est la langue nationale ; l’anglais est la langue officielle, donc celle de l’enseignement. Le swahili est enseigné comme matière à l’école jusqu’à l’université. Dans les 5 universités kenyanes la langue d'enseignement est généralement l'anglais, mais des cours peuvent être dispensés en swahili. Les écoles rurales ont recours à la langue maternelle des enfants durant les trois premières années du primaire pour intégrer progressivement le swahili et l'anglais. Les langues employées servent principalement à des fins d'alphabétisation et la lecture de la Bible.
Tanzanie : il y a une centaine de langues en majorité bantoues. Le swahili et l’anglais sont les langues officielles et les deux occupent une place importante dans l’enseignement. Le swahili a été largement valorisé depuis l’indépendance, souvent au détriment des autres langues. Dans les années soixante l'usage du swahili s’étendit progressivement à des fonctions officielles de plus en plus nombreuses. Il devint la langue d'enseignement obligatoire au primaire et son introduction en temps que langue d’enseignement était prévue au secondaire (année 1980) et à l'université (année 1990). Jusqu'à présent, à partir du secondaire, la langue d'enseignement est uniquement l'anglais, sauf pour le kiswahili en tant que matière et l'éducation civique, qui sont enseignés en kiswahili. À l'université, seul l'anglais sert de véhicule de transmission des connaissances. À Zanzibar ainsi que dans les écoles coraniques du continent, l'arabe est également enseigné comme langue seconde avec l'anglais. Actuellement d’autres langues locales sont enseignées à l’école dans certaines régions.
Mozambique : Toutes les langues sont bantoues sauf le portugais qui est la langue officielle. Jusqu'à récemment, le portugais a toujours constitué la seule langue d’enseignement au Mozambique. Jamais les élites mozambicaines ne pensèrent un instant de faire entrer les langues africaines à l’école. La «lusophonisation» post-coloniale s’implanta progressivement avec plus ou moins de succès dans la population mozambicaine.
Or, le Mozambique est un pays multilingue avec plus d'une trentaine de langues africaines bantoues, avec leurs nombreuses variétés dialectales. Toutes les langues bantoues du Mozambique ont une forme écrite et 18 d'entre elles bénéficient d'une orthographe normalisée.
Dans le système d'éducation, le gouvernement a décidé depuis les années 2000 d’offrir 16 langues dans l'enseignement , du moins dans une phase initiale, à partir des critères suivants: l'extension géographique de la langue dans la mesure où une langue couvre pratiquement le pays tout entier; aucune province n'est exclue dans cette première phase. Ces langues d'enseignement disposent déjà de documents écrits, ce qui inclut des manuels scolaires et certaines d'entre elles ont déjà une orthographe normalisée. Les autres langues mozambicaines devraient aussi être introduites progressivement une fois satisfaites les conditions appropriées. Il fallait respecter l'article 5 de la Constitution: «L'État valorise les langues nationales et promeut leur développement et leur usage croissant comme des langues véhiculaires dans l'éducation des citoyens.»
Évidemment, l'adoption des langues mozambicaines comme langue d'enseignement dans le programme officiel d’études de l’éducation de base reflète une perspective sans précédent dans la politique linguistique et culturelle au Mozambique. Le nouveau système compte trois modalités d'application:
1) Un programme d'éducation bilingue :
Il s'agit d'un enseignement simultané et en portugais et dans les langues mozambicaines. Pendant les trois premières années du primaire, le nombre des cours dispensés dans les langues mozambicaines doit être prédominant. Après la troisième année, l’introduction du portugais commence progressivement à changer de telle sorte qu’à la sixième année le nombre des cours dispensés en portugais est devenu majoritaire.
2) Un premier programme d'éducation monolingue:
Le portugais est la langue de l'instruction, mais les langues mozambicaines sont employées comme un moyen d'expliquer des concepts difficiles incompris dans la langue d'instruction. Les élèves n'apprennent pas les langues mozambicaines comme matière d’enseignement ou comme seconde langue, à moins qu'elles ne soient choisies facultativement en sixième et septième année.
3) Un second programme d'éducation monolingue:
Le portugais est la langue d'instruction, mais les langues mozambicaines sont enseignées séparément comme matière d’enseignement. On introduit l’anglais comme langue étrangère pour permettre à l'élève de développer un vocabulaire de base.
Mais le nouveau système n'est pas encore très répandu, il fait l'objet d'expérimentations.
8) Conclusions :
Après cette étude nous voudrions, en guise de conclusion, soulever quelques questions liées plus concrètement à la situation actuelle de Mayotte :
- Quel intérêt aujourd’hui de situer les langues de Mayotte dans la région ?
- Qu’est-ce que la région peut apporter aux travaux de développement des langues locales :
Politique linguistique dans la région :
- Beaucoup de langues de la région est-africaine et de Madagascar ont été étudiées et écrite depuis longtemps. Le swahili est peut être la langue la plus connue, la plus étudiée, et la plus diffusée d’Afrique (BBC, Voice of América, Radio deutschewelle) ; Elle est enseignée à l’ Inalco à Paris et dans des universités américaines, britanniques, allemandes et japonaises.
- Ces dernières années, des études ont clairement démontré que l'enseignement de la langue maternelle, parallèlement à celle d'une langue nationale officielle, permet aux enfants de mieux réussir à l'école car il stimule leur développement cognitif et leur capacité d'étudier.
- En 2004, le directeur général de l'UNESCO, M. Koïchiro Matsuura à déclaré:
« Il est […] fondamental, au nom de la diversité culturelle, mais aussi au nom du droit à une éducation de qualité pour tous, que l'utilisation de la langue maternelle soit favorisée dans les systèmes scolaires dès le plus jeune âge. »
Apprendre à lire et écrire sa langue maternelle s’inscrit désormais dans les droits de l’homme. Il faut donc arrêter de considérer nos langues maternelles comme des problèmes ; ce sont des droits.
- Chaque année, de nombreuses conférences sont organisées sur le multilinguisme. Sommes-nous au courant de ce qui se passe ???
Politique linguistique à Mayotte :
- Faut-il réinventer la roue en continuant à ignorer les progrès déjà réalisés dans le domaine des langues bantoues et malgaches proches des langues de Mayotte ?
- Allons-nous tenir compte des expériences et des travaux existants dans les pays voisins pour éviter les erreurs, ou bien se considérer comme une île isolée sans contact avec ses voisins.
- Les travaux de recherche sur le shimaore/kibushi ne peuvent que profiter des progrès déjà réalisés, par exemple, en ce qui concerne l’écriture, les études ethnolinguistiques, le développement d’un vocabulaire technique et la production du matériel pédagogique. Les productions des Instituts de recherche sur le Swahili à Dar es Salaam, à Nairobi et à Zanzibar ainsi que dans les Universités est-africaines pourraient être intéressants.
Le Swahili à Mayotte :
Quelle place donner à cette langue véhiculaire qui autrefois occupait une position importante ? A notre sens, elle est plus utile dans la région que l’espagnol par exemple. Faut-il continuer à isoler Mayotte de son contexte culturel ?
9) Bibliographie :
BRANN, Conrad B., « Official and national Languages in Africa: Complementary of Conflict? », Québec, CIRB, Université Laval, 56 p., 1985.
DELERIS Ferdinand, «À Madagascar: du bilinguisme "circonstanciel" au bilinguisme assumé », Eurafrica News, Bruxelles, p. 117-121, dans Géopolitique africaine, février 1988
GUEUNIER N. J., « Lexique du dialecte malgache de Mayotte », INALCO, 1986.
Histoire générale de l’Afrique, Présence Africaine / Edicef / Unesco, 1986.
LENSELAER A., «Dictionnaire swahili-français, Karthala », 1983.
Lexique Makhuwa / français des éditions de l’INALCO (vol. 17).
LIVI Giovanni, «L’utilisation du créole (seselwa) dans l’enseignement, un défi culturel» dans Le Courrier, no 119, p. 60-62, Bruxelles, janvier-février 1990 .
OBENGA Th., « les Bantu langues, peuples, civilisation », Présence Africaine, 1985.
NURSE D. and HINNEBUSCH T. J., «Swahili and Sabaki: A Linguistic History. Berkeley and Los Angeles», University of California Press, 1993.
RABENORO, Irène, « La situation du bi-multilinguisme dans les écoles primaires publiques malgaches ». Intervention au colloque "le bilinguisme et l'inter culturalité" de l'IFM de Dembeni (Mayotte) du 20-23 mars 2006
RUBAGUMYA, Casmir M. «Language Planning in the Tanzanian Educational System: problems and prospects» dans Journal of Multilingual and Multicultural Development, p. 283-300, vol. 7, no 4, 1986.
SHIME (association) : Carte de répartition linguistique.
« Apprenons le shimaorais », méthode d’apprentissage
du shimaorais parlé et écrit, publication Shime, 1999.
TURCOTTE, Denis, «La planification linguistique à Madagascar» dans International Journal of the Sociology of Language, no 32, p. 2-5, Mouton Publishers, Amsterdam (Pays-Bas), 1981.
WALD B., «Swahili and the Bantu Languages». In B. Comrie, ed. The World's Major Languages, pp. 991-1014. New York: Oxford University Press, 1987.
Des noms de villages mahorais d’origines différentes prouvent la diversité du peuplement.
Exemples de localités de Mayotte dans différentes langues :
MGOMBANI : swahili (lieu où se trouvent les bananiers)
KOROPA : makhuwa (escargot)
TSARARANO : malgache (la bonne eau)
L’origine de cette diversité linguistique s’explique par les migrations dont le résultat est aujourd’hui appelé le peuple comorien. D’après les chercheurs, les îles Comores sont habitées au moins depuis le 8e siècle. D’où sont venues ces populations ?
Les Bantous venus d’Afrique Orientale :
Les origines du peuple « bantu » seraient dans la région de Grassfields dans la forêt équatoriale du Cameroun (T. OBENGA). Les bantous ont migré au cours du 1ier millénaire après J.C. vers l’est et le sud de l’Afrique.
Carte 2 : d’après INTERNET
Les historiens (NURSE et SPEAR) pensent que des peuples bantous sont partis du nord de la côte Kenyane entre les rives des fleuves Tana et Sabaki vers le 10e siècle et ont migré vers les îles de l’Océan Indien. On a donné le nom de Sabaki au groupe de langues parlées par ces populations (dont les comoriens). Toutes les traditions orales des populations de la côte est-africaine parlent d’un lieu « Shungwaya » comme leur patrie d’origine. Ce lieu prospère serait situé au sud de ce qui est la Somalie aujourd’hui.
D’autres peuples « bantu » sont venus de la Tanzanie et du Mozambique, notamment les Makhuwa, surtout à l’époque du développement de l’esclavage et des usines sucrières.
Les Indonésiens venus de Bornéo en Asie :
Ils se sont surtout installés à Madagascar ; ils ont apporté le riz, la pirogue à balancier et ont développé la langue malgache.
Plus tard surtout au cours du 18ème siècle, d’importantes migrations malgaches ont eu lieu de la côte nord-ouest de Madagascar vers Mayotte pour former de nombreux villages.
Les Arabes venus du Yémen, d’Oman et du Golfe persique :
En se métissant avec les Bantous ils ont formé le peuple et la culture swahili.
Ils ont construit des cités sur la côte est-africaine, développé le commerce entre l’Afrique et l’Arabie et provoqué des mouvements de population par le trafic des esclaves.
Les Indiens :
Ils se sont souvent installés à Madagascar avant de venir à Mayotte et ont développé le commerce dans la région, surtout au cours du 20ème siècle.
Les Européens (Portugais, puis Anglais et Français).
4) Classification des langues de Mayotte :
Kibushi :
Le kibushi est une langue austronésienne de la famille des « parlers occidentaux » de la côte nord-ouest malgache. La langue austronésienne la plus ap parentée au malgache est le Ma’anyan parlé au sud de Bornéo, avec plus de 50% de vocabulaire commun. . La langue malgache (de structure asiatique) reflète les héritages indonésiens et africains du peuple malgache, avec influence du swahili dans les langues de la côte ouest.
Kibushi
Malgache
Sous-groupe Barito
Langues malayo-polynésiennes
Langues austronésienne
Shimaoré :
Le shimaoré est une langue bantu du sous groupe sabaki.
Shimaore
Langues comoriennes
Sous groupe Sabaki
Langues Bantu
Bénué Congo
Niger Congo
Niger Kordofanien
Le swahili par rapport au shimaoré :
Le swahili est la langue maternelle des habitants de la côte et des îles du Kenya et de la Tanzanie. Cette langue s’est développée comme langue véhiculaire à l’ouest jusqu’en République Démocratique du Congo :
Mayotte
Carte 3 : d’après INTERNET (UCLA International Institute,Language Materials Project)
Zone d’expansion de la langue swahili
La langue swahili contient des variations dialectales suivant la région : (kiunguja, kimvita, kiamu, kimrima…).
Les langues comoriennes ont été longtemps classées dans les parlers swahilis, mais aujourd’hui, les linguistes les classent plutôt dans un groupe de langues distinctes mais appartenant comme le swahili au groupe « sabaki ».
Le shimaoré n’est donc pas du swahili ; ce sont deux langues sœurs, mais il n’y a pas d’intercompréhension immédiate.
Les deux langues se seraient différenciées dès le 11-12e siècles, mais les contacts ont continués jusqu’à la colonisation.
5) Caractéristiques des langues bantoues :
Le terme « bantu » est une création des linguistes défini à partir du suffixe
«-ntu » que l’on trouve (avec des variantes) dans les mots pour « êtres humains » dans presque toutes les langues bantu. Exemples (sing./pluriel): mtu/watu en swahili; mutru/watru en shimaore; mundru/wandru en shingazidja, ; mûntu/bântu en kikongo, mũndũ/andũ en kikuyu (Kenya); munhu/vanhu en sukuma (Tanzanie), mundu/bandu en yao (Mozambique)…
· Répartition des noms en classes nominales, ce qui constitue la base de la grammaire des langues bantoues. Des préfixes déterminent chaque classe.
Exemples de classes nominales en shimaoré:
mu/wa ; mu/mi ; Ø/ma ; shi/zi…(sing./pluriel).
mutru/watru : un homme des hommes.
munadzi/minadzi : un cocotier, des cocotiers.
gari/magari : une voiture, des voitures.
shiri/ziri : une chaise, des chaises
nguo/nguo : un vêtement, des vêtements.
· Présence de verbes dérivationnels. Un suffixe modifie le sens d’un verbe.
Exemple en shimaoré : uangiha (écrire)
uangihwa (être écrit)
uangishia (écrire pour)
uangishiana (s’écrire l’un à l’autre)
· lexique commun dont la prononciation s’est diversifié avec le temps :
shimaore
kiswahili
makhuwa
français
Mungu
Mungu
Muluku
Dieu
Mutru,watru
Mtu,watu
Mutthu,atthu
Être(s)
Humain(s)
Nyombe
Ng’ombe
Eng’ope
Vache
Uvendza
Moro
Kupenda
Moto
Ozivela
Moro
Aimer
Feu
Exemple entre le swahili et le shimaoré :
Transformations : « k » à « h »
« k » à « sh »
« t » à « r »
« p » à « v »
« ch » à « ts »
shimaore
kiswahili
français
Kuhu
Kuku
Poule
Nyoha
Nyoka
Serpent
Nyoshi
Nyuki
Abeille
Shizungu
Kizungu
Français/ anglais
Mare
Mate
Salive
Trihiri
Tikiti
Pastèque
Uveleha
Kupeleka
Envoyer
Vole vole
Pole pole
Lentement
Mutsanga
Mchanga
Sable
· langues agglutinantes: Pour faire des phrases, il y a une racine (verbale) sur laquelle vient se greffer des préfixes, infixes et suffixes pour les marques du temps, les compléments d’objet etc.
Exemple en swahili :
« Nitampelekea barua » (Je lui enverrai une lettre)
« Ni » : je
« ta » : marque du futur
« m » : lui
« pelekea » : envoyer à quelqu’un
« peleka » : racine verbale (envoyer)
· grand nombre de consonnes pré-nasalisées : mb, mp, mv, nd,nt, ng etc
Exemples : « Mbu » (moustique en shimaoré et swahili)
« Mvua » (pluie en swahili)
« Ngombe » (vache en kongo)
6) Les langues européennes de la région :
Suivant le colonisateur, les pays africains et de l’océan indien ont adopté l’anglais, l’espagnol, le français ou le portugais comme langue officielle, nationale et d’enseignement. En Afrique du sud les populations « Boers » à l’origine néerlandophones ont développé une nouvelle langue : l’afrikaans.
Carte 4: d’après INTERNET
Langues officielles :
Anglais Français
Espagnol Portugais
7) Les langues de la région Océan Indien, leur statut et leur enseignement:
Comores et Mayotte : sont restées linguistiquement et culturellement proche de la côte est-africaine. On y trouve 4 parlers bantous que l’on peut répartir en deux groupes: shimaore/shindzuani ; shingazidja/shimwali
Le français est la langue de l’administration et l’arabe, langue de la religion. Aujourd’hui, aucune langue comorienne n’est enseignée à l’école.
Madagascar : le français et le malgache sont les 2 langues officielles. Après la malgachisation des années 70 le malgache est devenu prépondérant dans l’administration et l’enseignement. La malgachisation, de l'enseignement, a été l'objectif privilégié du régime à partir de 1972. Le français a vu son rôle considérablement réduit dans la nouvelle école. Mais on a assez vite pris conscience des inconvénients d'un rejet radical, prôné par certains. À partir de 1985, l'enseignement du français a été vigoureusement relancé. Actuellement la variété officielle du malgache est la langue d'enseignement en 1ère et 2ème année (CP1 et CP2). Le français est introduit comme langue seconde dès la deuxième année du primaire et, par la suite, jusqu'au second cycle du secondaire où il devient une langue d'enseignement, alors que le malgache reste une matière d'enseignement.
Réunion, Seychelles et Maurice : ces îles ont été peuplées tardivement par des européens et des africains ; on y parle donc des créoles basés sur le français et quelques mots d’anglais pour le cas de l’île Maurice et les Seychelles.
Réunion :
Le français est la langue officielle à la Réunion. A l’école le créole est permis à la maternelle. Puis la langue d’enseignement est uniquement le français. Cependant depuis novembre 2000, le créole réunionnais a acquis officiellement le statut de langue régionale. C'est à ce titre que son enseignement est désormais proposé en option dans les établissements scolaires de l'île, comme il en est fait des langues régionales dans les établissements scolaires de la métropole.
Maurice :
L’anglais est la langue officielle du parlement à Maurice. Dans l’enseignement primaire, toutes les langues sont autorisées, mais dans la pratique tout le premier cycle du primaire ne se fait qu’en créole et en français. Par contre, au secondaire, l’anglais devient une langue d’enseignement courante, statut qu’il partage avec le français et le créole. Ainsi, à la fin de ses études secondaires, l’élève mauricien est généralement trilingue.
Seychelles :
Le créole a un statut de langue officielle aux Seychelles comme le français et l’anglais. Le gouvernement seychellois s'est engagé dans une politique volontariste de promotion du créole, en décidant, en 1981, d'en faire la première langue nationale des Seychelles, l’anglais la deuxième, le français, la troisième. La réforme de l'enseignement a institué l'alphabétisation en créole et lui donne statut de langue d'enseignement. Aujourd’hui, le créole seychellois est la seule langue employée et enseignée à la maternelle ainsi que durant les quatre premières années du primaire. C’est la langue d’enseignement dans toutes les matières. À partir de la cinquième année, l’anglais langue seconde prend progressivement la place du créole (qui demeure une langue d’enseignement dans certaines matières), pour devenir la langue d’enseignement au secondaire. Autrement dit, dès que l’élève a appris à lire et à écrire en créole, il passe à l’anglais. Le français est obligatoirement la troisième langue enseignée et son étude est introduite au primaire dès que l'anglais est suffisamment maîtrisé, soit dès le second cycle et durant tout le secondaire. Le créole correspond à 34 % du temps d'enseignement des langues, contre 42 % pour l'anglais et 23 % pour le français. La publication de poèmes et d'essais littéraires en créole a été encouragée. Par le fait même, c’est le français qui a bénéficié de l’augmentation du taux de lecture chez les jeunes Seychellois.
Kenya : il y a plus de 40 langues, bantoues et non bantoues. Le swahili, langue maternelle de la côte, est la langue nationale ; l’anglais est la langue officielle, donc celle de l’enseignement. Le swahili est enseigné comme matière à l’école jusqu’à l’université. Dans les 5 universités kenyanes la langue d'enseignement est généralement l'anglais, mais des cours peuvent être dispensés en swahili. Les écoles rurales ont recours à la langue maternelle des enfants durant les trois premières années du primaire pour intégrer progressivement le swahili et l'anglais. Les langues employées servent principalement à des fins d'alphabétisation et la lecture de la Bible.
Tanzanie : il y a une centaine de langues en majorité bantoues. Le swahili et l’anglais sont les langues officielles et les deux occupent une place importante dans l’enseignement. Le swahili a été largement valorisé depuis l’indépendance, souvent au détriment des autres langues. Dans les années soixante l'usage du swahili s’étendit progressivement à des fonctions officielles de plus en plus nombreuses. Il devint la langue d'enseignement obligatoire au primaire et son introduction en temps que langue d’enseignement était prévue au secondaire (année 1980) et à l'université (année 1990). Jusqu'à présent, à partir du secondaire, la langue d'enseignement est uniquement l'anglais, sauf pour le kiswahili en tant que matière et l'éducation civique, qui sont enseignés en kiswahili. À l'université, seul l'anglais sert de véhicule de transmission des connaissances. À Zanzibar ainsi que dans les écoles coraniques du continent, l'arabe est également enseigné comme langue seconde avec l'anglais. Actuellement d’autres langues locales sont enseignées à l’école dans certaines régions.
Mozambique : Toutes les langues sont bantoues sauf le portugais qui est la langue officielle. Jusqu'à récemment, le portugais a toujours constitué la seule langue d’enseignement au Mozambique. Jamais les élites mozambicaines ne pensèrent un instant de faire entrer les langues africaines à l’école. La «lusophonisation» post-coloniale s’implanta progressivement avec plus ou moins de succès dans la population mozambicaine.
Or, le Mozambique est un pays multilingue avec plus d'une trentaine de langues africaines bantoues, avec leurs nombreuses variétés dialectales. Toutes les langues bantoues du Mozambique ont une forme écrite et 18 d'entre elles bénéficient d'une orthographe normalisée.
Dans le système d'éducation, le gouvernement a décidé depuis les années 2000 d’offrir 16 langues dans l'enseignement , du moins dans une phase initiale, à partir des critères suivants: l'extension géographique de la langue dans la mesure où une langue couvre pratiquement le pays tout entier; aucune province n'est exclue dans cette première phase. Ces langues d'enseignement disposent déjà de documents écrits, ce qui inclut des manuels scolaires et certaines d'entre elles ont déjà une orthographe normalisée. Les autres langues mozambicaines devraient aussi être introduites progressivement une fois satisfaites les conditions appropriées. Il fallait respecter l'article 5 de la Constitution: «L'État valorise les langues nationales et promeut leur développement et leur usage croissant comme des langues véhiculaires dans l'éducation des citoyens.»
Évidemment, l'adoption des langues mozambicaines comme langue d'enseignement dans le programme officiel d’études de l’éducation de base reflète une perspective sans précédent dans la politique linguistique et culturelle au Mozambique. Le nouveau système compte trois modalités d'application:
1) Un programme d'éducation bilingue :
Il s'agit d'un enseignement simultané et en portugais et dans les langues mozambicaines. Pendant les trois premières années du primaire, le nombre des cours dispensés dans les langues mozambicaines doit être prédominant. Après la troisième année, l’introduction du portugais commence progressivement à changer de telle sorte qu’à la sixième année le nombre des cours dispensés en portugais est devenu majoritaire.
2) Un premier programme d'éducation monolingue:
Le portugais est la langue de l'instruction, mais les langues mozambicaines sont employées comme un moyen d'expliquer des concepts difficiles incompris dans la langue d'instruction. Les élèves n'apprennent pas les langues mozambicaines comme matière d’enseignement ou comme seconde langue, à moins qu'elles ne soient choisies facultativement en sixième et septième année.
3) Un second programme d'éducation monolingue:
Le portugais est la langue d'instruction, mais les langues mozambicaines sont enseignées séparément comme matière d’enseignement. On introduit l’anglais comme langue étrangère pour permettre à l'élève de développer un vocabulaire de base.
Mais le nouveau système n'est pas encore très répandu, il fait l'objet d'expérimentations.
8) Conclusions :
Après cette étude nous voudrions, en guise de conclusion, soulever quelques questions liées plus concrètement à la situation actuelle de Mayotte :
- Quel intérêt aujourd’hui de situer les langues de Mayotte dans la région ?
- Qu’est-ce que la région peut apporter aux travaux de développement des langues locales :
Politique linguistique dans la région :
- Beaucoup de langues de la région est-africaine et de Madagascar ont été étudiées et écrite depuis longtemps. Le swahili est peut être la langue la plus connue, la plus étudiée, et la plus diffusée d’Afrique (BBC, Voice of América, Radio deutschewelle) ; Elle est enseignée à l’ Inalco à Paris et dans des universités américaines, britanniques, allemandes et japonaises.
- Ces dernières années, des études ont clairement démontré que l'enseignement de la langue maternelle, parallèlement à celle d'une langue nationale officielle, permet aux enfants de mieux réussir à l'école car il stimule leur développement cognitif et leur capacité d'étudier.
- En 2004, le directeur général de l'UNESCO, M. Koïchiro Matsuura à déclaré:
« Il est […] fondamental, au nom de la diversité culturelle, mais aussi au nom du droit à une éducation de qualité pour tous, que l'utilisation de la langue maternelle soit favorisée dans les systèmes scolaires dès le plus jeune âge. »
Apprendre à lire et écrire sa langue maternelle s’inscrit désormais dans les droits de l’homme. Il faut donc arrêter de considérer nos langues maternelles comme des problèmes ; ce sont des droits.
- Chaque année, de nombreuses conférences sont organisées sur le multilinguisme. Sommes-nous au courant de ce qui se passe ???
Politique linguistique à Mayotte :
- Faut-il réinventer la roue en continuant à ignorer les progrès déjà réalisés dans le domaine des langues bantoues et malgaches proches des langues de Mayotte ?
- Allons-nous tenir compte des expériences et des travaux existants dans les pays voisins pour éviter les erreurs, ou bien se considérer comme une île isolée sans contact avec ses voisins.
- Les travaux de recherche sur le shimaore/kibushi ne peuvent que profiter des progrès déjà réalisés, par exemple, en ce qui concerne l’écriture, les études ethnolinguistiques, le développement d’un vocabulaire technique et la production du matériel pédagogique. Les productions des Instituts de recherche sur le Swahili à Dar es Salaam, à Nairobi et à Zanzibar ainsi que dans les Universités est-africaines pourraient être intéressants.
Le Swahili à Mayotte :
Quelle place donner à cette langue véhiculaire qui autrefois occupait une position importante ? A notre sens, elle est plus utile dans la région que l’espagnol par exemple. Faut-il continuer à isoler Mayotte de son contexte culturel ?
9) Bibliographie :
BRANN, Conrad B., « Official and national Languages in Africa: Complementary of Conflict? », Québec, CIRB, Université Laval, 56 p., 1985.
DELERIS Ferdinand, «À Madagascar: du bilinguisme "circonstanciel" au bilinguisme assumé », Eurafrica News, Bruxelles, p. 117-121, dans Géopolitique africaine, février 1988
GUEUNIER N. J., « Lexique du dialecte malgache de Mayotte », INALCO, 1986.
Histoire générale de l’Afrique, Présence Africaine / Edicef / Unesco, 1986.
LENSELAER A., «Dictionnaire swahili-français, Karthala », 1983.
Lexique Makhuwa / français des éditions de l’INALCO (vol. 17).
LIVI Giovanni, «L’utilisation du créole (seselwa) dans l’enseignement, un défi culturel» dans Le Courrier, no 119, p. 60-62, Bruxelles, janvier-février 1990 .
OBENGA Th., « les Bantu langues, peuples, civilisation », Présence Africaine, 1985.
NURSE D. and HINNEBUSCH T. J., «Swahili and Sabaki: A Linguistic History. Berkeley and Los Angeles», University of California Press, 1993.
RABENORO, Irène, « La situation du bi-multilinguisme dans les écoles primaires publiques malgaches ». Intervention au colloque "le bilinguisme et l'inter culturalité" de l'IFM de Dembeni (Mayotte) du 20-23 mars 2006
RUBAGUMYA, Casmir M. «Language Planning in the Tanzanian Educational System: problems and prospects» dans Journal of Multilingual and Multicultural Development, p. 283-300, vol. 7, no 4, 1986.
SHIME (association) : Carte de répartition linguistique.
« Apprenons le shimaorais », méthode d’apprentissage
du shimaorais parlé et écrit, publication Shime, 1999.
TURCOTTE, Denis, «La planification linguistique à Madagascar» dans International Journal of the Sociology of Language, no 32, p. 2-5, Mouton Publishers, Amsterdam (Pays-Bas), 1981.
WALD B., «Swahili and the Bantu Languages». In B. Comrie, ed. The World's Major Languages, pp. 991-1014. New York: Oxford University Press, 1987.
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